« Mon corps a-t-il un sexe ? », sous la direction de Évelyne Peyre et Joëlle Wiels

mon corps a-t-il un sexe ?

Être à la fois une analyse complète et une synthèse sur un sujet, c’est ce que parvient à nous offrir ce livre que je qualifie de référence, de somme même, sur le sujet. Pas moins de vingt disciplines sont réunies ici, qui vont (entre autres) de la neurobiologie à la linguistique, en passant par la médecine, l’anthropologie, la philosophie, la musicologie, le droit, mais aussi de la psychologie, de la biologie, même de l’éthologie (sur le comportement animal), pour nous parler de ce que l’organe sexuel a comme influence ou pas, sur l’être. D’apprendre et de comprendre dans quelle mesure le sexe pourrait ou pas, nous définir, nous déterminer.

Un regroupement de disciplines si diverses, là où le cloisonnement est la règle habituelle de fonctionnement. Un décloisonnement pour décloisonner les aprioris sur le sexe, notamment la différenciation des sexes sur le mode binaire.

Tous là pour répondre au projet : dresser un état des savoirs sur le sexe. Un sacré pari.

Pari réussi, avec la complicité de l’IEC, « Mon corps a-t-il un sexe ? » couvre un tel panorama de savoirs, de réponses, et inévitablement ouvrent à d’autres questions. Un bouillonnement.

Non seulement parce qu’il ne peut n’y avoir que deux catégories, en l’occurrence Homme et Femme, mais que la science peut mettre en évidence la richesse de la diversité et des ressemblances quand les différences longtemps affirmées ne se révèlent n’être que des croyances et non du savoir. Le cerveau, le squelette, les chromosomes, la capacité à se mouvoir, la voix, et même les organes génitaux ne peuvent plus être rangés dans deux cases.

Reste en suspens la question sur ce que ces connaissances peuvent permettre comme évolution dans notre société, maintenant que l’on sait. Des changements au niveau du droit ? Des changements dans la pratique médicale ? Des changements politiques ? Peut-on encore écrire la même chose dans les manuels scolaires ? Mais aussi dans la presse grand public ou de vulgarisation scientifique ?

Parce qu’il ne s’agit pas là de points de vue, qu’on pourrait relativiser, voire en atténuer la portée en les décrédibilisant, ou en décrédibilisant leurs auteurs*, mais d’éléments résultant de recherches avec preuves à l’appui.

Une révolution ? Au moins un livre dangereux pour tous les conservateurs qui s’agrippent à leurs certitudes, qui voudraient s’en tenir à un Ordre, référence à un système patriarcal, d’un ordonnancement de la vie, qui n’a jamais vraiment existé de façon aussi absolu au niveau individuel, mais effectif au niveau religieux, médical, politique et juridique, qui voudrait que chacun soit déterminé (de sa naissance à sa mort), spécifiquement selon son sexe.

« Mon corps a-t-il un sexe ? » est aussi ce bel antidote contre ces dérives.

 Nous ne sommes pas nos organes génitaux, nous avons des organes génitaux.

 Ce qui fait que notre vie est à créer. Laurence Waki (le 11/08/2015)

 

À vous de voir :

 « Mon corps a-t-il un sexe ? », sous la direction de Évelyne Peyre et Joëlle Wiels, Éditions La Découverte, 32€

 

*Qu’on pourrait prétendre que ce sont leurs convictions féministes qui les influencent. D’ailleurs tous les intervenants le sont-ils tous ? De plus je ne vois pas comment des recherches et/ou des preuves pourraient être féministes ou pas, mais qu’aujourd’hui encore, il semble qu’il faille des convictions telles pour faire sortir la science de ses préjugés, parce que cela suppose de soulever des montagnes, qu’il faut être mû par de fortes espérances, que peut être le féminisme, quand l’idéal serait que tout scientifique soit animé par militer pour l’honnêteté scientifique.

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