Le déni de la mort mis à mal par le Coronavirus

La panique qui s’empare de nous quand on parle de morts dus au Coronavirus. Des chiffres balancés, isolés de ceux du nombre de morts en France avant l’arrivée de ce virus. Qui donnent cette impression que l’on vient de découvrir que l’on est mortel. Que cette épidémie va nous tuer. Que sans elle, on allait vivre pour toujours…

Je suis étonnée, même dérangée, de n’avoir pas lu de mise en perspective. Qui donne cet effet loupe sur la dangerosité de ce virus récent. Le rendant d’autant plus effrayant.

Sans doute, on ne peut faire l’économie de mesures sanitaires. Que je m’interroge de ce que je proposerais si j’étais Macron, ou si j’étais au gouvernement, si j’avais cette écrasante responsabilité, qu’en réalité est disproportionnée par rapport au simple humain qu’ils sont, que nous sommes tous. Et là c’est fatalement la colle. Existe-t-il de bonnes décisions ? Outre le fait d’informer, de délivrer le résultat de mesures prises, de donner à voir la balance coût/bénéfice. Aucune procédure ne peut garantir un succès absolu. C’est le simple bon sens de la gestion de l’Incertitude.

Et c’est dans ce cadre-là, qu’il s’agit aussi de faire au mieux pour éviter les surenchères catastrophistes. Donc relativiser. Notamment en apprenant qu’en France, habituellement, il y a un décès par minute*. Que la grippe cause 2% des décès chaque année, et que son vaccin ne peut garantir une complète immunité. Et que mourir, même de vieillesse, c’est mourir la plupart du temps d’une maladie qui atteint un corps fragilisé. Qu’également en France nous sommes 66,99 millions d’habitants.

Alors, on s’effraie à entendre qu’un virus a déjà causé plus de cent morts. Surtout quand ce nouveau venu est associé à la notion de pandémie**, signifiant inconsciemment « hors contrôle ». Mais aujourd’hui encore beaucoup de maladies nous échappent, restent inguérissables. On va trouver pour certaines à les gérer, parfois même à les soigner.

De ce réalisme qui devrait nous éviter de céder à la panique. Mais faut-il pour autant ne rien faire ? Ne sommes-nous pas à l’inverse face à un « réactivisme » politique outrancier qui nous ferait dévier ?…

A-t-on oublié notre mortalité, issue à laquelle nous sommes tous conviés ?

Quel que soit le Pouvoir, quelle que soit la richesse financière, que tout ce que nous pourrons obtenir, tout cela va finir. Que personne ne peut avoir de contrôle là-dessus. Qu’il s’agit de notre redoutable et sublime Impuissance.

Redoutable, oui. Sublime aussi. Qui nous invite à prendre de nouveau conscience de notre mortalité à tous. D’avoir une autre considération de notre vie, de la vie d’autrui. Le temps prend ainsi une autre valeur, prend la valeur sacrée de l’éphémère.

Que les mesures les meilleures sont prises avec cette conscience-ci.

dessin coup de poingÀ CHAUD – Laurence Waki (le 17/03/2020)

*La France enregistre environ six cent mille décès par an. Soit un peu plus de 50.000 mensuels.

**Quand dans la définition exacte du mot, il n’est pas question de mortalité. Qu’une pandémie est une épidémie – certes qui peut être une maladie infectieuse et contagieuse – qui surtout atteint un grand nombre de personnes, dans une zone géographique très étendue. On peut ainsi invoquer une pandémie de grippe, mais aussi d’obésité, de suicides.