Être premier ministre…

« Édouard, mon pote de droite » 3ième volet de Laurent Cibien, nous montre, entretien après entretien l’évolution physique et psychique qu’opère la fonction de premier ministre, avec la spécificité de cette fonction avec Emmanuel Macron comme président de la République, et cette autre inattendue d’être au prise avec le Coronavirus qui s’est imposé dans l’agenda ministériel, brassant d’un revers tous les plans que ce gouvernement pensait mettre en place.

Édouard Philippe aura été nommé rapidement premier ministre en mai 2017, quand en juillet tout s’arrête aussi brusquement ; il fallait s’y attendre selon lui, cela fait partie de la fonction, cette possibilité d’être éclipsé du jour au lendemain.

Ce 3ième volet « Aux manettes » le montre occupant cette fonction ; qui fait suite au premier volet « Le Havre » en 2014 sur Édouard Philippe en tant que maire du Havre, puis le deuxième « Primaire« , en campagne pour les Primaires en 2015. L’évolution entre ces deux volets montrait déjà ce que fait le pouvoir sur le fonctionnement d’une personne. Ce que d’ailleurs j’ai relaté dans cet article : https://laurencewaki.wordpress.com/2018/06/01/politique-francaise-juin-2018/. Et même concluant avec :

Ainsi le Pouvoir s’il est associé à un gain, est aussi une perte. Une perte de vues différenciées, et peut-être même une perte de soi.

Encore plus frappant avec ce troisième volet. Qui fait aussi s’interroger sur la place réelle qui est laissée à la gouvernance proprement dite. Un rythme effréné, les rendez-vous et les déplacements qui s’enchaînent, où finalement il n’est question que d’agir et de réagir. Il avoue très vite ne plus avoir le temps de lire, donc de prendre du recul et de réfléchir. Tout est déjà décidé, il s’agit surtout de tenir le rythme. Pas de place pour la remise en question ni l’analyse de terrain. Mais appliquer ce qui a été décidé en amont. Décidé par qui ? Basé sur quoi ?

Il s’agit de tenir, galvanisé par l’adrénaline, du moins au début. Car cette « drogue » naturelle pour continuer à faire effet, cette impression de surfer sur la vague, exige toujours plus d’excitation et de défis, pour être sécrété par l’organisme, et ce jusqu’à épuisement, quand en plus l’effet escompté s’estompe et même disparaît. L’adrénaline qui faisait prendre des risques, se sentir combatif en toute circonstances n’est plus.

Et l’on voit cet état d’épuisement quand aussi démarre en France les mesures répressives censées lutter contre le Covid-19. Mais ce qui me frappe, c’est en voyant ces images de l’intérieur à Matignon, c’est que de mars à juillet 2020, eux n’ont pas vécu le confinement, ni même les distances sociales. Ils vivent normalement, pendant que les Français eux subissent les réprimandes policières, les privations de liberté, la fin du droit d’aller et venir, celui même de travailler,  les traitements infantilisants voire inhumains infligés aux personnes âgées, l’indignité réservée à nos morts… Ces gens qui ont arrêté notre vie ne savent pas dans leur chair ce que nous population avons subi.

edouard 3

De là le titre de ce troisième volet, « Aux manettes » prend tout son sens. Ce qui s’est passé est virtuel pour ces décideurs. Cette déconnexion leur fait perdre le sens des réalités, quand en plus ils ne vivent pas ce qu’ils imposent. Cette impression d’être dans un jeu vidéo oubliant que ce sont des vies réelles, qu’il n’est pas question de marquer des points, de faire des scores, quand en plus on ne subit pas ce qu’on inflige. Il y a quelque chose d’indécent mais de nécessaire que montre ce documentaire en creux.

C’est ce fossé que je retiens, qui est encore plus frappant sur cette période. Comment peuvent-ils comprendre les Français après un tel décalage ?

Si encore ces mesures liberticides avaient cessées…

dessin coup de poingÀ CHAUD – Laurence Waki (le 21/07/2021)